L’ILE AUX OISEAUX
En 2016, le Cercle Ornithologique de Lausanne (COL) a acquis un petit cabanon situé en face de l’Île aux oiseaux à Préverenges, un biotope artificiel gagné sur le lac en 2001 et classé depuis réserve naturelle. Sa situation se rattache à l’embouchure naturelle de la Venoge, rivière qui se jette dans le Lac Léman. Elle constitue l’un des principaux sites d’escale des limicoles migrateurs en Suisse, notamment en raison de sa situation géographique unique dans l’axe de la vallée du Rhône. Les oiseaux, arrivant d’Afrique, y font ainsi un arrêt avant de prendre leurs lointains quartiers d’été dans la toundra arctique.
Idéalement située face à son île, la nouvelle Maison de l’Île aux oiseaux a pour vocation de
sensibiliser la population et les classes d’écoles de la région aux problématiques de la protection de la nature, du climat, ainsi que de l’impact des activités humaines sur la raréfaction des sites d’escale migratoire pour les limicoles.
ARCHITECTURE ANALOGUE / STRUCTURE
L’architecture de la Maison de l’Île aux oiseaux s’inspire de l’élégance du monde ornithologique (brindille, nid, plume). Sa structure se compose de planches verticales massives assemblées sans colle qui se plient pour former une résille de petites ogives tressées en trois dimensions évoquant la tension et la finesse du nid. Les planches en ogive qui soutiennent la toiture traversent le bâtiment et ornent le plafond de la Maison de l’Île. À l’intérieur, les visiteurs y trouvent un lieu essentiel, chaleureux, recouvert de sapin naturel de
teinte claire qui contraste avec la charpente plus foncée.
La toiture est généreuse et munie de grands avant-toits. Elle se décompose en couches de bois formées de panneaux contrecollés de faible épaisseur et recouverts par un placage en zinc noir. Lisible et aérienne, cette superposition de fines tranches de bois allège la toiture et lui donne une impression de suspension et de mouvement accentué par un pli. La forme légère du toit se découpe également en plan pour pouvoir se glisser entre les grands pins sylvestres presque centenaires se trouvant sur la parcelle. Le pavillon s’immisce ainsi dans son contexte en toute sensibilité sans perturber l’écosystème qui s’y trouve.
Au bord des rives du lac, comme un oiseau, le pavillon s’élève au-dessus du sol sur de fines pattes en métal évoquant la construction lacustre, l’eau, le temps et le voyage. Dorées et brillantes, elles protègent des intempéries la Maison de l’Île.
L’accès principal à la Maison se fait à l’aide d’une rampe de grande dimension, de forme courbe. Elle étend le pavillon jusqu’à la promenade du lac et va chercher le visiteur devant l’île. Composée d’une multitude de planches verticales, surélevée sur des pattes en métal comme un ponton de bois, sa forme courbe et ses teintes contrastées évoquent la queue de
l’oiseau. Un socle en béton définit la transition entre le sol humide et le bois qui se détache du sol.
UNE MAISON DANS LA MAISON
Le plan du nouveau pavillon est simple et se compose d’une pièce unique divisée par un noyau central fonctionnel qui structure l’espace en deux parties distinctes mais ouvertes. Comme une maison de bois, cette boite fonctionnelle contient la cuisine et les toilettes. Elle s’axe sur la grande fenêtre ronde et se voit de l’extérieur. Deux longs meubles de bois s’adossent aux murs latéraux de la maison dans le sens de l’ouverture et contiennent l’exposition pédagogique de la Maison de l’Île. Le public accède par la rampe des rives, protégé par le grand avant-toit. Sur la façade arrière, une entrée de service et une fenêtre ronde de plus petite taille font écho à la façade principale.
Par ailleurs, le passage de la charpente de toiture de l’extérieur vers l’intérieur crée de petites fentes horizontales spécifiques qui marquent l’entrée de nids à chauve-souris. La maison devient ainsi également un lieu d’accueil et de reproduction pour différentes espèces.
CAMERA OBSCURA
Une fenêtre ronde de grande dimension attire l’œil de la promenade des rives et oriente le regard du visiteur en direction de l’Île aux oiseaux. Comme une lentille qui réfléchit son contexte, elle évoque la « camera obscura » ou encore le nichoir. Cet œil de verre confère une identité forte et une présence attractive au nouveau lieu public. À la nuit tombante, cette fenêtre ronde s’allume et révèle son intérieur.
La Maison et l’Île aux oiseaux forment un ensemble cohérent qui dialoguent en se complétant parfaitement. La teinte foncée de la façade qui contraste avec sa structure évoque la subtilité des teintes du plumage en s’accordant parfaitement avec les teintes des petits chalets existants qui bordent la rive et celles des pins sylvestres.
ASSEMBLAGE
Pour réaliser les éléments en forme de pincette, le choix du bois s’est porté sur le sapin blanc. Cette essence locale offre de très bonnes qualités mécaniques et une excellente résistance à l’extérieur. L’addition des planches courbes en ogive forme la résille par un assemblage en dentelle formé par le pincement successif de la traverse du plancher inférieur avec celle de la toiture. Afin de dessiner et fabriquer cette courbure, l’ogive est créée sur une contre-forme en bois par l’assemblage de 3 fines planches de 15mm. Plutôt que d’utiliser de la colle pour maintenir la forme, des tourillons en frêne insérés dans des trous pré-percés et décalés sont utilisés, permettant de bloquer la forme finale de l’ogive et d’éviter le cisaillement des planchettes. Des entretoises visibles en frêne permettent la stabilité des ogives entre elles sur
les façades latérales. Elles servent aussi de perchoir occasionnel pour les oiseaux. Des clous métalliques affleurés aux planches lient l’ensemble des pincettes entre elles et assurent l’assemblage de la dentelle structurelle.
La stabilité latérale est assurée par les cadres auto stables, tandis que la stabilité longitudinale est assurée par la géométrie des colonnes et leur disposition en pincettes. Tous les éléments de l’ossature sont à dimension variable, seule l’épaisseur reste constante.
La position précises des tourillons, la courbure parfaite des planches et le développement tridimensionnel de la structure a pu être possible grâce à un développement CAO et une découpe numérique à l’aide d’une machine CNC. Des essais en laboratoire ont été effectués pour vérifier la résistance des cadres, et notamment la stabilité des colonnes dont la conception est particulièrement audacieuse et innovante. L’ossature se compose quant à elle de planches brutes de sciage. La structure de la Maison de l’Île aux oiseaux présente ainsi un contraste saisissant entre l’utilisation de techniques contemporaines et des méthodes plus anciennes.